Le procès de Pierre H., cruel pâtissier
Mesdames et messieurs les jurés, je déclare Pierre H., excellentissime pâtissier à ce jour inégalé de son état, coupable de cruauté gratuite envers ses clients.
Premier chef d'accusation :
Les faits remontent à décembre 2005, date à laquelle Pierre H. se met à produire des macarons inspirés du meilleur dessert sorti de sa féconde imagination, le Plaisir Sucré. Des macarons nommés... Plaisirs sucrés (!) très bons. Tellement bons qu'ils provoquent un comportement addictif chez les consommateurs. Mon frère, Dieu pour les intimes, en est la première victime. En quelques semaines, il devient complètement accro à ces petits macarons chocolatés et pralinés, il lui faut sa dose hebdomadaire, voire bi-hebdomadaire pour tenir le coup. Mais, voilà, Pierre H., en décembre 2006, arrête brutalement ce parfum de macaron. Mon frère ne sera plus jamais le même.
Second chef d'accusation :
Janvier 2007, Pierre H. récidive. Mais les faits sont plus graves. Non content de stopper la production d'une des pièces phares de sa collection, cette fois, le pâtissier arrête soudain la production d'un classique - pourtant intouchable pensions-nous - le flan à l'eau. Le colocataire de mon frère, Bibiche pour les intimes, en totale dépendance depuis des mois, à raison d'une dose tous les dimanches matin, est inconsolable.
Mesdames et Messieurs les jurés, mettez-vous à la place de ces deux jeunes hommes et des centaines d'autres personnes qui souffrent en silence et ne peuvent désormais plus passer devant une des boutiques de Pierre H. sans avoir le coeur noué, des spasmes d'angoisse, et bien pire encore... A vous de juger !
Pour ma part, pleine d'empathie pour les victimes, j'ai voulu faire mon possible pour soulager leur peine. Si je n'ai même pas tenter de trouver la recette des macarons Plaisirs sucrés (et pourtant, je suis sûre qu'elle se trouve dans le PH10 bien rangé sur l'étagère derrière moi), parce que "non, de toute façon, les miens ne seront JAMAIS aussi bons", j'ai par contre remué ciel et terre pour dégoter la recette du flan à l'eau.
Je ne me souviens plus à quel magazine Pierre H. l'avait un jour confiée, mais j'ai mis la main dessus et je vous la livre :
Flan à l'eau de l'accusé Pierre Hermé (oups !)
Pour la pâte
- 250 g de farine
- 180 g de beurre à température ambiante
- 1 cuillère à café rase de fleur de sel
- 1 cuillère à café rase de sucre
- 1/2 jaune d'oeuf
- 1/2 dl de lait à température ambiante
Mélanger tous les ingrédients sauf la farine dans le bol du robot (bon, moi, j'ai fait à la main, ça marche aussi). Tourner au couteau jusqu'à l'obtention d'une crème homogène. Ajouter la farine et former une boule. Envelopper de papier film et laisser reposer au frigo au moins 4 heures. Étaler la pâte sur 2 mm et la remettre au frigo 30 minutes. Beurrer un moule à tarte (à manqué pour ma part, mais ça marche aussi) de 24 cm de diamètre, le foncer avec la pâte et remettre au frigo 2 bonnes heures.
Pour l'appareil à flan
- 375 g de lait
- 370 g d'eau de source
- 210 g de sucre
- 4 oeufs
- 60 g de poudre à flan (ou poudre à crème)
Dans une casserole en inox (mes casseroles sont en porcelaine, ça marche aussi) porter le lait et l'eau à ébullition.
Pendant ce temps, dans une seconde casserole, battre les oeufs avec le sucre et avec la poudre à flan. Verser en mince filet le contenu de la première casserole, tout en fouettant. Porter le mélange à ébullition, toujours en tournant et retirer du feu dès les premiers bouillons.
Verser dans un saladier et laisser refroidir 30 minutes.
Verser ce mélange sur la pâte crue et faire cuire dans un four préchauffé à 190°C pendant 1 heure.
Laisser ensuite refroidir et mettre au frigo pour au moins 3 heures avant de déguster... enfin !
(ne serait-ce pas celui-là son meilleur profil ?)
Verdict : Pierre H. porte la cruauté à son paroxysme. Avec cette recette, il faut savoir attendre, attendre et encore attendre... mais qu'est ce que c'est bon ! La pâte est biscuitée sans être sucrée, le flan est léger, ni écoeurant - car le goût d'oeuf n'est pas trop prononcé - ni lourd ni indigeste. "Il passe tout seul" comme dit Bibiche. Une merveille, le meilleur flan du monde sans doute (comment ça j'exagère ?!).
Pierre H., à mes yeux, avec cette recette simple et succulente, tu t'es racheté !